Thomas est tout seul, un projet original de création littéraire.



Thomas est tout seul
est un projet original de création littéraire où il vous est proposé de suivre en ligne et en direct la progression d'une (auto?) fiction.
L'un des objectifs de ce projet est de tester la possibilité d'un roman "participatif" intégrant l'avis ou le point de vue du lecteur dans le travail du rédacteur.
Vous êtes donc invités à prendre contact avec l'auteur-rédacteur afin de lui soumettre vos avis, souhaits, doutes ou suggestions. Ceci dans le seul but de faire exister Thomas et de déplacer la frontière entre la fiction et le réel.
Les différents textes à venir seront publiés dans leur ordre chronologique ("Jour 1", "Jour 2"...), prenez garde à ne pas lire les publications dans le désordre si elles se trouvent dans les archives, reportez-vous à la rubrique "libellés" qui fera office de sommaire.


Protected by Copyscape Original Content Check
Important : le contenu de ce blog est la propriété exclusive de l'auteur. Aucune utilisation du présent contenu ne peut être faite sans l'autorisation préalable de l'auteur. Merci de votre compréhension.

Bonne lecture !

Céline Raux.

mardi 24 juin 2008

THOMAS -JOUR 11-

Les Kraftwerks. Copie blanche.

Le lendemain ne devait pas être une journée ordinaire. Après avoir passé plusieurs heures à me gratter le nombril, je me levai.
Morne, flasque et mou avec le jour de Venise de mon oreiller imprimé en bas-relief neo-classique sur ma joue gauche.
A peine mon pied venait-il de toucher le sol que je me sentai déjà minable.
Je me récitai pour moi-même la plus belle phrase du monde : "Le fond de l'air est frais" dans l'espoir vain et infondé qu'un peu de poésie me fît sombrer dans l'illusion d'un monde meilleur.
En vain.
Je demeurais perplexe.
Je me surpris pourtant à mener une réflexion inquiète sur la nature de ce fameux "fond" que l'on attribue à l'air en me disant que si même l'air avait un fond - est donc une limite - on réduisait déjà pas mal la dose de contingence dans le monde ce qui me procura un petit réconfort. Non que je sois en faveur d'un déterminisme total et absolu, cela s'en faut , mais j'aime autant mieux avoir des raisons de penser que tout ce gloubi-boulga qui frétille depuis le Big Bang, ça n'est quand même pas du grand guignol. Bref, si l'on pouvait éviter le Grand N'importe Quoi, je suis preneur.
Selon toute vraisemblance, le temps s'annonçait beau. Et déjà je m'alarmait de la platitude mes considérations atmosphériques.
N'empêche que les grues jaunes du chantier d'en face détachaient avec éclat leurs somptueuses strucutres d'acier du ciel bleu et que je me livrais toujours avec délectation à la contemplation de ce spectacle urbain.
Je soupirai finalement et m'arrachai une petite croûte qui s'était formée autour de mon nombril érubescent. Un peu de pus en profita pour se faire la belle. Ce spectacle me procura bizarrement une autre forme de délectation. Et le monde s'arrêta un instant autour de mon ombilic, preuve patente d'un lien originellement rompu, avec quoi, je ne saurais trop le dire.
Quoiqu'il en soit, cette petite cicatrice d'habitude si sage et si tranquille me grattait atrocement. Je ne sais pourquoi j'étais en proie à ce type de démangeaisons depuis plusieurs jours déjà.
Alors que j'étais en train de tamponner le pus de mon nombril avec un Kleenex, un vacarme digne des Tambours du Bronx résonna dans l'escalier.
Un camion de déménagement stationnait sous ma fênetre.
Selon toute probabilité, j'allai avoir de nouveaux voisins.
Une petite bulle de curiosité mêlée à de l'apréhension gonfla et monta légèrement en moi. Puis cette petite bulle éclata pour finalement laisser place à un étonnement d'un volume nettement supérieur.
Quatre grands crânes d'œuf athlétiques et altiers sortirent du camion. Tous portaient d'étrange combinaisons noires en matière synthétique qui n'étaient pas sans rappeler les combinaisons en peau de requin dont se parent les nageurs olympiques de l'ère post-moderne. Les mêmes lunettes de soleil en polycarbonate leur barraient le visage. Ils m'évoquaient tour à tour les androïdes de mon enfance ou quelques figures sorties tout droit d'un comics de Marvel. Leur insolite dégaine les plaçait quelque part entre Spiderman et le Surfeur d'Argent, la planche en moins. Mais je devais songer qu' ils pouvaient tout aussi bien être quelques extraterrestres, membres d'une secte ou d'une organisation occulte qui ayant eu vent de mes travaux sur l'espèce humaine chercherait par tous les moyens à mettre la main dessus afin de déjouer un complot d'ampleur international à ce point comprommettant que, de par leurs fonctions, ils se verraient conduits à la nécessité de me faire la peau et de jeter mon coprs dans l'acide pour qu'aucune trace ne subsiste.
Mon nombril s'affola et je renversai la moitié de la Béthadine par terre.
Avec précaution, j'observai vaillamment.
Les crânes d'oeufs accordaient leurs gestes et leurs déplacements avec précision et d'une rigueur à ce point mécanique que je doutai un instant de leurs origines terrestres. L'analogie avec une vitrine d'horlogerie suisse me traversa la tête mais aucun coucou ne leur sortait de la bouche.
Sur leur camion de dé
ménagement, on pouvait lire en grosse lettre cette indication tout à fait hermétique : Kling Klang Record - Kraftwerk.
Ce qu'il nous faudra plus tard considérer comme un évènement d'importance majeure venait tout juste de se produire.