Thomas est tout seul, un projet original de création littéraire.



Thomas est tout seul
est un projet original de création littéraire où il vous est proposé de suivre en ligne et en direct la progression d'une (auto?) fiction.
L'un des objectifs de ce projet est de tester la possibilité d'un roman "participatif" intégrant l'avis ou le point de vue du lecteur dans le travail du rédacteur.
Vous êtes donc invités à prendre contact avec l'auteur-rédacteur afin de lui soumettre vos avis, souhaits, doutes ou suggestions. Ceci dans le seul but de faire exister Thomas et de déplacer la frontière entre la fiction et le réel.
Les différents textes à venir seront publiés dans leur ordre chronologique ("Jour 1", "Jour 2"...), prenez garde à ne pas lire les publications dans le désordre si elles se trouvent dans les archives, reportez-vous à la rubrique "libellés" qui fera office de sommaire.


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Bonne lecture !

Céline Raux.

jeudi 24 juillet 2008

THOMAS - JOUR 12 -

Le temps suspendu. Inertie. La monade solitaire.

Mes voisins emmènagèrent en silence et ne devaient pas encore interférer, de quelque manière que ce soit, sur la monade solitaire que j'étais. Je ne les voyais pour ainsi dire jamais, hormis à deux ou trois reprises lorsque l'un des crânes d'oeufs indifférenciés devait réceptionner sur le trottoir d'en face des caisses de matériel pour le moins suspectes.
A part cela, tout était calme.
Trop calme.
D'une angoissante quiétude.
Même Hérvé semblait avoir disparu. Ses visites navrantes et inopportunes avaient cessé et l'appartement dans lequel je demeurai terré semblait s'être mu en une bulle lisse et invisible autour de laquelle glissaient tous les mouvements du monde sans que jamais ils ne m'atteignent. Et la courbe du temps elle-même m'aspirait dans un effroyable ennui doublé de maux de ventre sourds.
Mes recherches relatives au Grand Hominarium ne donnaient plus rien. En réalité, je flairai un échec latent que je croyais contourner par une baisse de ma motivation. Comme si l'illusion de me détourner de la fin que je m'étais fixée me protégeait de la réalité affligeante de cet échec auquel devait aboutir cette entreprise sans fin. J'étais Sisyphe en prise avec l'absurde et il me fallait croire qu'en me désintéressant de cet absurde il n'aurait plus d'empire sur moi. Ce qui devrait bien sûr s'avérer complètement faux et illusoire.
Une fine pellicule de poussière recouvrait maintenant mes fiches disposées en piles périlleuses sur mon bureau. Bon nombre d'entre elles devraient d'ailleurs rester vierge. Et défaire les paquets neufs de bristols ne provoquaient plus chez moi cette étrange exaltation. L'échec auquel je n'avais pourtant pas encore abouti m'apparaissait pourtant gros comme une maison et je savais que mon Grand Hominarium ne m'apporterait jamais de réponses à quoi que ce soit, que ce travail vain et infini n'avait pas les moyens de sa politique et que par conséquent, il ne ferait jamais sens. Et mon combat mental contre l’absurde serait une histoire sans fin à défaut d’être perdu d’avance.
Assis chez moi à me gratter le nombril, je ne faisais plus rien du tout. Le doute m’étouffait dans sa matière lourde et épaisse. Une vérité pourtant devenait évidente : alors que je croyais m'ouvrir aux autres, je m'isolais un peu plus chaque jour et je n'étais désormais plus rien qu'un petit point d'angoisse inconséquent perdu dans une grande ville indifférente.
Selon toute vraisemblance, et après une étude scrupuleuse de mon cas, je formulais l'hypothèse selon laquelle je déprimais gravement.
Le mot était donc lancé : dépression.
Cela pouvait avoir un certain charme, une certaine jouissance de la tristesse qui creuserait les contours de la vie à l'eau-forte, une tristesse à soi, existentielle et fine, aussi précieuse, en définitive, qu'un bonheur à soi. La dépression n'était pas sans évoquer la fougue désabusée et torturée d'un romantisme complaisant.
Mais je n'en étais pas là. Car je me sentais indigne de ma dépression et il était patent que je n'en tirerai rien de bon. Aussi, l'artiste maudit que je ne serai jamais -car mort-né dans la candeur placide de ma venue au monde- contenait toutes les promesses d'élévation et de grâce que je n'avais jamais pu tenir et que je voyais se dissoudre dans un horizon aussi lointain qu’inaccessible.
Plus rien n'allait. Arthur tournait en rond dans son bocal et je me sentais encore moins d'existence que lui.
Il y a d'abord eu ce cheveux blanc, puis l'écho silencieux de la solitude que même Hervé ne venait plus rompre. Il y a eu ensuite cette douleur originelle au nombril. Et le temps me transperçait sans que je parvienne à jouir des possibilités que m'offrait l'espace dans un monde en mouvement.
Le temps et le mouvement ne coïncidaient plus pour moi. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, j'étais l'incarnation vieillissante de l'inertie, une fausse-monnaie en stagflation. Et la banque mondiale ne voulait pas revoir à la baisse ses taux d’intérêt.

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