Thomas est tout seul, un projet original de création littéraire.



Thomas est tout seul
est un projet original de création littéraire où il vous est proposé de suivre en ligne et en direct la progression d'une (auto?) fiction.
L'un des objectifs de ce projet est de tester la possibilité d'un roman "participatif" intégrant l'avis ou le point de vue du lecteur dans le travail du rédacteur.
Vous êtes donc invités à prendre contact avec l'auteur-rédacteur afin de lui soumettre vos avis, souhaits, doutes ou suggestions. Ceci dans le seul but de faire exister Thomas et de déplacer la frontière entre la fiction et le réel.
Les différents textes à venir seront publiés dans leur ordre chronologique ("Jour 1", "Jour 2"...), prenez garde à ne pas lire les publications dans le désordre si elles se trouvent dans les archives, reportez-vous à la rubrique "libellés" qui fera office de sommaire.


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Bonne lecture !

Céline Raux.

dimanche 11 mai 2008

THOMAS - JOUR 10 -

Tracas.

J'étais terriblement tracassé. Comme j'avais voulu en avoir le coeur net, j'avais remis à Hervé un exemplaire du questionnaire du Grand Hominarium. Je le priai de le remplir au plus vite afin de me faire savoir son point de vue sur l'ensemble des questions. Prévenant ou saisi d'une mauvaise intuition, je ne saurais dire, je lui laissais un délai large de plusieurs jours.
Parcourant des yeux le feuillet que je lui avais tendu, Hervé eut d'abord l'air profondément contrarié par la nature des questions. Soit qu'il n'en comprit pas la teneur, soit qu'elles constituassent une insulte patente à son pouvoir d'érudition. Il aurait sans doute préféré un QCM portant sur le développement historique du calcul infinitésimal. Cependant il fut d’accord pour me rendre le questionnaire préalablement rempli d’ici trois jours.
Ces trois jours furent pour moi l'occasion de récolter quelques specimen rares et d'importance majeure au sein de la population. Je pourrais citer quelques fiches qui sont là, devant moi, sur mon bureau. Il y a par exemple les fiches de Mademoiselle S., Monsieur Q., ou Madame Z. mais aussi Mademoiselle L. Mais de ces trois journées ne me restait au fond qu'une inquiètude sourde. Le spectre d'Hervé planait dans les rues, semblait se cacher derrière chaque visage. Je me torturais l'esprit pour savoir s'il allait oui ou non réussir à remplir la fiche du Grand Hominarium. Je me formulais à moi-même la terrible hypothèse : Hervé me rendant copie blanche.
Et mon projet d'en prendre un sacré coup.
En effet, si nous reconnaissons un tout quand une multiplicité d'objets forme une unité ou entre sous un acte unique de la pensée, ce tout ne saurait comporter de "résidus". Or si Hervé devait demeurer inclassable au regard des autres specimens du Grand Hominarium ou autrement dit, si Hervé ne pouvait s'insérer dans AUCUNE catégorie de la totalité humaine cela devait vouloir signifier qu'il fut possible qu'il existât des "résidus" (aussi cruel et insoutenable que puisse paraître le mot). Ou que peut être le genre humain échappait à toute définition et que l'humanité n'était qu'un concept flou. Peut être que je me fourvoyais dans l'absurde sans même m'en rendre compte. Ou peut être que l'humanité c'était qu'un bordel de grain de sables sur une plage. Peut être que qu'il n'y avait pas de puzzle. Peut être qu'il n'y avait jamais eu de puzzle. Peut être que nos vies sur terre c'était "placement libre" comme au cinéma. Peut être qu'on n'a pas de siège réservé et que ça va à qui mieux-mieux. Peut être qu'Hervé était un résidu à l'écart du tout. Peut être que rien n'avait de sens et peut être qu'il n'y avait pas de résidus. Ou peut être qu'il n'y avait ni tout, ni parties, ni règles, ni exceptions. Ou que si ce Tout c'était véritablement l'énorme Tout de la terre entière, de l'univers et de milliards d'étoiles, je veux dire le Tout absolu, alors il n'y avait pas de résidus non plus.
Peut être que mon Grand Hominarium ne valait pas une bille.
Peut être que je m'étais-je planté.
Peut être que j'étais un con.
Peut être que je n'étais pas une pièce de puzzle mais ce foutu grain de sable. Peut être même que j'étais un grain sur leur putain de puzzle. Ou alors peut-être que j'étais la seule pièce d'un puzzle qui n'existe pas au milieu de la plage de la Grande Motte.
J'étais peut-être un résidu. Au fond, je ne pouvais pas savoir dans la mesure où je ne pouvais pas encore en apporter le démenti. Peut être que le monde n'avait pas besoin de moi. Après tout, ce n'était pas parce que certaines fleurs rares disparaissaient qu'on déplorait la fin de la faune et de la flore. Mais quand même. La disparition d'une fleur devait toujours pour moi rester un évènement tragique.
En même temps, une petite voix accompagnait chacune de mes considérations. Elle me disait de me méfier car avec ces histoires de résidus qui rentrent pas dans la totalité, j'étais à deux doigts de devenir un putain de fasciste. Cette idée me provoqua une nausée profonde et un mal de ventre aigu. Mais je me sentais égaré. Je passais une nuit blanche, peuplée de tourments.

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