Thomas est tout seul, un projet original de création littéraire.



Thomas est tout seul
est un projet original de création littéraire où il vous est proposé de suivre en ligne et en direct la progression d'une (auto?) fiction.
L'un des objectifs de ce projet est de tester la possibilité d'un roman "participatif" intégrant l'avis ou le point de vue du lecteur dans le travail du rédacteur.
Vous êtes donc invités à prendre contact avec l'auteur-rédacteur afin de lui soumettre vos avis, souhaits, doutes ou suggestions. Ceci dans le seul but de faire exister Thomas et de déplacer la frontière entre la fiction et le réel.
Les différents textes à venir seront publiés dans leur ordre chronologique ("Jour 1", "Jour 2"...), prenez garde à ne pas lire les publications dans le désordre si elles se trouvent dans les archives, reportez-vous à la rubrique "libellés" qui fera office de sommaire.


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Bonne lecture !

Céline Raux.

lundi 7 avril 2008

THOMAS - JOUR 3 -

En l'attente d'une révélation. Buffon et Lamarck. Le Grand Hominarium.

Le lendemain fut un grand jour puisque j'y entrepris de partir à la conquête de l'humanité.
Elle était là sous ma fenêtre. Je n'avais qu'à descendre.
Je voulais connaître tous ces gens. Je voulais leurs poser des questions, garder une trace de chacun d'eux mais je ne savais pas trop comment m'y prendre. Quoiqu'il en soit, j'étais tout excité. Comme un gamin philatéliste que le père emmène pour la première fois au marché aux timbres. Ou comme un petit Mozart qui se rendrait à son premier cours de solfège. Oui, c'était ça : j'attendais une révélation. Si je comprenais qui étaient tous ces gens, peut être alors pourrais-je savoir qui j'étais. Où du moins ce qu'il convenait que je sois. Je voulais découvrir et assembler toutes les pièces du puzzle. Car de cette manière, à la fin, par déduction, je saurai que la pièce manquante ça serait moi, quelle forme elle aurait et l'endroit exact et approprié où elle devrait s'insérer naturellement parmi les autres.
Mais gare à la précipitation. Le projet que je mûrissais en silence était un projet neuf et éclatant, aux antipodes des méditations rances d'Hervé.
Ces perspectives métaphysiques m'emplissaient de joie.
Et de crainte.
Il fallait que tout soit au point. Je ne pouvais pas prendre le risque d'un échec plus désolant que ne l'était déjà ma vie. Il me fallait ressusciter le fantôme que je devenais. Il me fallait rencontrer les autres pour leur donner la recette de ma résurrection. Je préparais ma Pentecôte. Toutefois, je devais prendre garde à tenir mes distances avec Hervé. Car c'était lui le premier fossoyeur de toute vie sociale. Désormais, il m'incomber de ne le considérer que comme un sujet d'observation parmi d'autres. Ni plus, ni moins. Un point c'est tout.
J'étais déjà un peu plus avancé.
Mais il faut que je vous explique de quoi est-ce qu'il retournait exactement.
Notification historique. Avez-vous déjà entendu parler de Lamarck et Buffon ? Je pense que oui, au moins de nom.
Buffon a conçu le Jardin des Plantes.
Lamarck est l'auteur de La Flore française publiée en 1778.
Passons sur les détails. Ce que je voulais vous faire remarquer, ces que tous deux, en tant que botanistes, sont à l'origine de célèbres herbiers. C'est à dire qu'ils ont passé une grande partie de leur vie à collecter des spécimens de plantes pour ensuite, les classer, les inventorier et enfin les réunir dans ces fameux ouvrages. D'une certaine manière, à l'instar de Buffon ou Lamarck, je voulais constituer une sorte d'herbier sauf qu'en guise de plantes séchées, je voulais y inventorier des hommes. Et des vies. C'étaient là les spécimens d'importance majeure que je me mettais en charge de recueillir. Bien entendu, il ne s'agissait pas de scotcher sur de grands cartons, pour ensuite les faire se dessécher sous de grandes épingles, des individus morts ramassés au hasard. Ce que je voulais, c'était collecter des traces de vies, des traces d'humanité, dresser le portrait d'un homme par les aspects les plus signifiants (insignifiants dirons certains) de sa vie au-delà de la froideur terne des renseignements d'une fiche d'État civil.

Je baptisai mon projet le Grand Hominarium. Suivant l'étymologie du mot "herbier", j'optai à mon tour pour une racine latine. C'était un projet ambitieux. Comme je souhaitais le mener avec le plus d'application requise, je sentais que ma vie allait prendre un tournant incongru.
J'en étais tout énervouillé.
Je courrai chez le papetier m'acheter un de ces grands classeurs d'archivages ainsi que trois paquets de grandes fiches bristol format A4. Des bleues pour les personnes de sexe masculin. Des roses pour les personnes de sexe féminin. Je pris des jaunes aussi, au cas où.
Ensuite, je regagnai mon logis en sautillant et poussant de petits cris aigus. Ce qui semblait effrayer les gens sur le trottoir. (Ils ont des réactions tellement étranges, parfois !)
Arrivé au bas de immeuble, je me ruai dans les escaliers en sautant deux marches sur trois. Mais j'en ratai une entre le deuxième et le troisième étage, ce qui faillit me coûter l'usufruit de ma rotule. Je mis un certain temps (quatre minutes, dix secondes) à ouvrir ma porte car comme d'habitude, je ne parvenais pas à mettre la main sur mes clefs. Et comme je n'entendais pas leur cliquetis joyeux dans le fond de ma vache soumise à d'intenses secousses, j'émis un instant la terrifiante hypothèse de les avoir perdues et de ne pas pouvoir entrer chez moi.
J'en blêmis et passai en revue les conséquences désastreuses que cette bévue allait devoir me coûter (à savoir, trouver un téléphone pour appeler un serrurier, appeler ce serrurier, payer le serrurier, vivre dans la crainte des voleurs et des tueurs en série, et donc rappeler le serrurier, payer de nouveau le serrurier pour avoir changé les quatre verrous de ma porte, faire faire des doubles, acquérir deux nouveau porte-clefs insubmersibles etc.). Rien que d'y penser, ça me donnait le tournis. Mais je ne trouvais toujours pas mes clefs. C'était une situation contrariante. Elle me provoqua des sueurs froides. Dans un roman policier on aurait dit "qu'un frisson me parcourait l'échine."
Au final, je retrouvai mes clefs coincées dans la doublure en nylon de ma gabardine multipoches. Un immense soulagement allégea ma tête. Je pénétrai mon logis d’un pas décidé. J’envoyai la porte danser la valse. Et je pensai tout haut :
« - A nous deux Grand Hominarium ! »

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