Thomas est tout seul, un projet original de création littéraire.



Thomas est tout seul
est un projet original de création littéraire où il vous est proposé de suivre en ligne et en direct la progression d'une (auto?) fiction.
L'un des objectifs de ce projet est de tester la possibilité d'un roman "participatif" intégrant l'avis ou le point de vue du lecteur dans le travail du rédacteur.
Vous êtes donc invités à prendre contact avec l'auteur-rédacteur afin de lui soumettre vos avis, souhaits, doutes ou suggestions. Ceci dans le seul but de faire exister Thomas et de déplacer la frontière entre la fiction et le réel.
Les différents textes à venir seront publiés dans leur ordre chronologique ("Jour 1", "Jour 2"...), prenez garde à ne pas lire les publications dans le désordre si elles se trouvent dans les archives, reportez-vous à la rubrique "libellés" qui fera office de sommaire.


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Bonne lecture !

Céline Raux.

mardi 8 avril 2008

THOMAS - JOUR 4 -

Le Grand Hominarium
Première partie

Préliminaire.

Qu’est-ce que le Grand Hominarium ? Le Grand Hominarium a pour fonction de constituer une base de données recueillant des informations non-utiles et non-pratiques de n’importe quel individu consentant. Bien que non-utiles et non-pratiques, les informations contenues dans ce Grand Hominarium ont pour vocation à définir chaque individu par les aspects les plus déterminants et les plus signifiants de sa personne et de son existence. C’est à dire par les aspirations, goûts, préférences, craintes, joies, fantasmes qu’il manifeste ou ressent. Il s’agit de saisir, au mieux, le sujet intime de chaque personne afin d’en extraire le témoignage profond et tangible de son humanité, de son essence particulière libérée de toute aliénation sociale ou administrative. Ainsi, suivant le principe de l’herbier, l’option prise par le Grand Hominarium est de montrer chaque personne, ou individu sous le jour de sa propre humanité, de sa véritable nature. Il est donc nécessaire que tout sujet fasse preuve d’honnêteté et de sincérité.
Que m’apporte le Grand Hominarium ? Pour commencer, il apporte la reconnaissance de l’être humain en tant qu’individu différent et différencié des autres. Il est un hommage rendu à la réalité unique et singulière de l’existence de chacun. Avec le Grand Hominarium, vous n’êtes plus un simple numéro parmi d’autres, vous n’êtes plus une fiche d’état civil au fond d’une étagère, vous n’êtes plus un abonné au gaz quelconque. Le Grand Hominarium vous donne la possibilité de découvrir que vous êtes quelqu’un, une personne unique et reconnue comme telle. Vous n’êtes plus des numéros, vous êtes des spécimens rares et d’importance majeure détenteurs d'une identité reconnue !
En effet, qui ne s’est jamais senti floué à la lecture d’un formulaire administratif ou en remplissant une fiche d’état civil ? Qu’avons-nous dit sur nous-même une fois que l’on a bien écrit son nom et son prénom dans les petites cases ? Puis-je justifier de qui je suis une fois que j’ai correctement fait mention de mon adresse ou de mon numéro de téléphone ? Ai-je une connaissance accrue de ma singularité une fois que j’ai précautionneusement reporté mon numéro de sécurité sociale ? Quels pans entiers de ma vie dois-je occulter lorsque je dois réduire ma réponse à une croix pour cocher entre « célibataire », « marié(e) » ou « veuf(ve) » ? A quoi me résument tous ces formulaires administratifs ? A une situation, un statut que vous avez acquis par accidents, contingences, chance ou malchance. Or qu’ai-je dit de la feuille quand je dis qu’elle est tombée au pied de l’arbre ? Rien. Je ne fais que décrire la situation de la feuille par rapport à l’arbre. Je parle de la situation, je ne parle pas de la feuille. Or c'est à la feuille qu'il conviendra ici de s'intéresser. Le but n'est plus de savoir qui vous êtes, mais ce que vous êtes, et comment vous l'êtes.

Je relus attentivement la première ébauche de présentation de mon Grand Hominarium. Je me frottai les mains énergiquement. Il y aurait peut être un ajout ou deux à faire ici, à moins qu'il ne faille clarifier tel point. Mais ces détails me parurent secondaires. Je me frottai les mains et me trémoussai sur ma chaise parce que j'étais content. Pour être franc, j'étais assez fier de moi et je ne me rappelai pas l'avoir déjà été à ce point.
Je remis délicatement son capuchon à mon crayon feutre. Je jetai un coup d'œil par la fenêtre et j'eus comme l'impression que le métronome interne de Papy Mégot était passé du mode grave, au mode andante. Qui sait si demain il n'accourrait pas prestissimo jusqu'à la première poubelle JC Decaux qu'il trouverait en chemin ?
Je me sentais léger.
Solaire.
Fort.
Presque vainqueur.
Je crois que c'est cela que l'on appelle être joyeux. C'est à dire ne plus avoir de lourdes plaques de fonte à bringuebaler dans la tête.
"Grand Hominarium... Grand Hominarium..."

*

Présentation informe et non-exhaustive.


Je m'aperçois avec effroi que du temps a passé et que je ne me suis toujours pas présenté. Alors à titre d'entraînement, je compte le faire sur le mode du Grand Hominarium. Le procédé ne sera peut être pas encore très au point mais au moins le Grand Hominarium disposera de son premier sujet.
Alors voilà. Je me présente à vous que je ne connais pas. Ou plutôt à vous que je ne connais pas encore.
Je m'appelle Thomas. Je suis télé-conseiller au service client d'une grande marque de tampons catégorie "hygiène féminine", ce qui n'a jamais contribué à mon épanouissement social.
Passons.
Je ne veux pas vous ennuyer. Peut être me trouver vous déjà ennuyeux.
J'ai l'habitude de porter des polos unis et comme ma chevelure est un festival d'épis récalcitrants, je suis obligé de les couper très courts pour que cela ne se voit pas. Je suis plutôt petit. Un freluquet dirons certains. J'aime quand mes pantalons ont un plis bien net sur le devant.
On m'a dit une fois que je ressemblais à un Playmobil.
Dans la catégorie "J'AIME" : me réveiller une heure avant que ne s'enclenche le radio-réveil car c'est un moment de paix absolu, le nougat, les tragédies grecques, le noir et le blanc (depuis peu, je peux ajouter le rouge), faire de l'apnée dans la baignoire, les kebabs-frites au ketchup, Caillebotte, les chats (mais je suis allergique à leur poil), Caruso, les soupes de cresson lyophilisées, la propreté et le rangement, les grues jaunes de chantier ensoleillées qui se détachent dans le bleu du ciel, le train parce qu'il vous donne toujours la conviction d'aller quelque part, Zorro, Emmanuel Kant, les chaussures, Romain Gary, le gel douche tonifiant aux extraits de cèdre, le déodorant Mennen Pacifique Blue (il m'aide à me sentir viril), les films de Jacques Tati, passer l'aspirateur, le Coca-Cola et le jus de pomme, Marylin Monroe dans Certains l'aiment chaud, les bandes dessinées, la ponctualité, repasser mes chemises en écoutant une gymnopédie de Satie, le docteur Carter de la série Urgences.
Dans la catégorie "J'AIME PAS" : j'aime pas me sentir seul mais il faut bien se rendre à l'évidence : je suis tout seul. J'aime pas entendre rire dans mon dos car j'ai toujours peur que les gens se moquent de moi. J'aime pas manger tout seul. J'aime pas qu'on double à la caisse du Monoprix. Je déteste quand les gens qui vous bousculent s'excusent en disant "je ne vous avais pas vu" car cela signifie que vous êtes transparent et que personne ne vous remarque nulle part. J'aime pas les fleurs parce que ça fane toujours trop vite. J'aime pas tous les boulets que je traîne. J'aime pas le rose. Je ne m'aime pas. J'aime pas les raviolis. J'aime pas me sentir seul. J'aime pas la solitude. J'aime pas les occasions manquées car elles provoquent d'insupportables tourments. J'aime pas l'hiver. J'aime pas les terroristes. J'aime pas avoir peur. J'aime pas me dire que je suis à part. J'aime pas être tout seul. J'aime pas la solitude. J'aime pas les occasions manquées.
Je ne m'aime pas.
Et je déteste Mickey Mouse qui n'est qu'un sale petit prétentieux.

Ma chanson préférée c'est Le poinçonneur des Lilas parce que ça raconte l'histoire d'un homme qui a une existence de chien et qui voudrait bien que ça change. Et la chanson que j'exècre le plus c'est Ma mère de Michel Sardou parce que c'est une chanson grotesque dans laquelle un monsieur très niais nous fait part d'un complexe d'Oedipe déclaré sur le tard. On y apprend entre autre qu'il n'aurait jamais cru que sa mère ait su faire l'amour. Et que ça mère était une blonde au yeux clairs et aux seins lourds, ce qui est bien évidemment une version largement fantasmée de la réalité.
J'ai un poisson rouge nommé Arthur qui exploite au mieux la circularité de son aquarium et de son existence.
Voila pour les présentations.
Je m'appelle Thomas et je suis tout seul.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

j'aime beaucoup ta façon d'écrire (en particulier ce texte-ci)...

très juste et sensible (c'est cliché comme compliment mais c'est vraiment celui qui me vient à l'esprit)...

J'adore cette histoire d'hominarium!